il s’en va pour rester avec nous
Bien curieuse fête de l’Ascension : il s’en va pour rester avec nous. Voilà un bel oxymore, les champions de scrabble connaissent le mot, mais moi je vous l’avoue je l’avais oublié. Un oxymore : “une ingénieuse alliance de mots contradictoires”. Un illustre inconnu, par exemple… soit la personne est illustre, soit elle est inconnue, mais pas les deux à la fois. Un illustre inconnu, voilà un bel oxymore.
Nous en avons un certain nombre avec Jésus. Il n’y a pas si longtemps je donnais le sacrement des malades, et pour commencer, je dis « nous allons lire le passage de la tempête apaisée » ; et j’entends de la part du malade : « voilà un bel oxymore » une tempête apaisée. On connaît aussi de Jésus : le fardeau léger.
Mais revenons à l’Ascension : il s’en va pour rester avec nous.
C’est saint Augustin qui en parle très bien :
Aujourd’hui notre Seigneur Jésus Christ monte au ciel ; que notre cœur y monte avec lui.
Écoutons ce que nous dit l’Apôtre : Vous êtes ressuscités, avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. (…) De même que lui est monté, mais sans s’éloigner de nous, de même sommes-nous déjà là-haut avec lui, mais encore sur la Terre.
Il a déjà été élevé au-dessus des cieux ; cependant il souffre sur la Terre toutes les peines que nous ressentons, nous ses membres. Il a rendu témoignage à cette vérité lorsqu’il a crié du haut du ciel : Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? Et il avait dit aussi : J’avais faim, et vous m’avez donné à manger.
(…) Lui, Jésus, alors qu’il est là-bas, est aussi avec nous ; et nous, alors que nous sommes ici, sommes aussi avec lui. (…)
Lui ne s’est pas éloigné du ciel lorsqu’il en est descendu pour venir vers nous ; et il ne s’est pas éloigné de nous lorsqu’il est monté pour revenir au ciel. Il était là-haut, tout en étant ici-bas ;
Dieu est le très-haut, mais Christian Bobin [voir ci-dessous] avait raison de dire qu’il était le très-bas.
De dire cela ça change tout : parce qu’il faut toujours tenir les deux réalités : Jésus, est là-haut, et toujours avec nous. Mon fardeau, s’il est lourd, peut être léger parce que le Christ le porte avec moi. Si la tempête bouscule ma vie, elle peut être apaisée parce que le Christ est là. Si mes péchés sont toujours devant mes yeux, ils sont enveloppés de sa miséricorde.
Je crois que beaucoup de nos députés ignorent la fête de l’Ascension, voulant maîtriser le très-bas de nos vies, ils en ont oublié le Maître. Voulant maîtriser la mort, ils se prennent pour des dieux. C’est triste à en mourir.
Et dans dix jours la Pentecôte viendra confirmer cette présence du Seigneur.
Viens, Esprit-Saint,
et envoie du haut du ciel
un rayon de ta lumière.
Dans le labeur, le repos,
dans la fièvre, la fraîcheur,
dans les pleurs, le réconfort.
Lave ce qui est souillé,
baigne ce qui est aride,
guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide,
réchauffe ce qui est froid,
rends droit ce qui est faussé.
A tous ceux qui ont la foi
et qui en toi se confient
donne ton Esprit-Saint.
AMEN
sur RCF, 30 novembre 2022 : entretien avec Christian Bobin (55 minutes), auteur en 1992 du livre Le Très-Bas, consacré à saint François d’Assise, qui s’écoule à plus de 400 000 exemplaires et est salué par la critique (prix des Deux Magots et grand prix catholique de littérature en 1993).