Je t’ai aimé
Ap 3, 9
Le pape Léon vient de nous adresser une lettre,
une EXHORTATION APOSTOLIQUE SUR L’AMOUR ENVERS LES PAUVRES.
Je ne sais pas encore comment on va la recevoir, je ne sais pas encore ce que nous allons en faire. On peut très bien en la lisant dire : « C’est très beau ». Et finalement ne rien en faire, elle peut rester lettre morte.
Je me souviens, j’étais séminariste. Et un dimanche, dans une paroisse j’écoute l’homélie, et à la fin de la messe je dis à un paroissien très fidèle à la paroisse : « l’homélie était très belle », et il me répond : « oh il nous a encore parlé des pauvres ». La parole n’avait plus de résonance, parce que c’était des mots et encore des mots. Et ce refrain qui devenait habituel n’avait plus aucun écho : « oui il nous a encore parlé des pauvres ».
Quelqu’un réagissait à la lettre du pape Léon en disant : « Ce texte met les chrétiens devant un choix radical. »
Spontanément je me souviens de deux faits qui ont marqué mon ministère.
Le premier, j’étais vicaire à Tiercé en 1995. C’était le matin de Pâques, la messe était commencée, nous étions animé de la joie de Pâques, un chant festif pour commencer, et au moment de la prière pénitentielle, un temps plus recueilli, arrive un homme de la route, au premier regard pas forcément très propre, faisant peur à ceux qui le voyait remonter l’allée centrale. L’invitant à s’asseoir au premier rang, je crois qu’il a transformé, ce jour-là, notre manière de célébrer Pâques. Résonnait alors cette parole du Christ cité par le pape Léon :
tu as peu de force, peu de pouvoir, mais « moi, je t’ai aimé » ( Ap 3, 9).
Le deuxième fait : en septembre 2015, l’image du corps sans vie du petit Aylan, un enfant syrien échoué sur une plage turque, avait fortement marqué les esprits. En réponse à cette tragédie, le pape François avait exhorté, lancé un appel le 6 septembre 2015 : «Que chaque paroisse, chaque communauté religieuse, chaque monastère, chaque sanctuaire d’Europe accueille une famille, à commencer par mon diocèse de Rome». Aussitôt nos évêques en font écho. Le samedi soir 12 septembre, c’est l’objet de mon homélie, partageant le message de notre évêque et donc celui du pape François. Des mots,… la messe se termine et arrive une petite famille de réfugiés, deux jeunes parents avec leurs deux jeunes enfants, ne parlant pas français mais ayant avec eux un mot signé du responsable du CADA de Cholet (le Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile). « Cette famille sera à la rue dans trois jours, nous ne pouvons pas les garder, pouvez-vous les accueillir ? » Le dimanche matin mon homélie ne pouvait plus être que des mots, nous avons retroussé les manches, créé une association et la paroisse accueille encore des familles.
Le pape Léon vient de nous adresser une lettre, … SUR L’AMOUR ENVERS LES PAUVRES.
Je ne sais pas encore comment on va la recevoir, je ne sais pas encore ce que nous allons en faire. Mais elle ne pourra rester lettre morte.
AMEN
